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Le pouvoir des mots

Le pouvoir des mots à travers la performance musicale dans l’œuvre de Jani Christou.

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Colloque International MUTTUM MU MUSIQUE, Les mots tressés par les sons et les images. Festival aCROSS 2015, Plaisir, France, avril 2015. Brochure

Figure emblématique de l’avant-garde grecque, le compositeur Jani Christou est l’auteur d’une œuvre multidisciplinaire qui s’étale sur vingt-deux ans seulement. Un accident de voiture survenu à Athènes en 1970 aura coûté la vie à celui qui, né au Caire en 1926, s’est laissé inspirer par la civilisation grecque et égyptienne tout en restant attaché au monde occidental. De son grand opus Mysterion (1966) à son œuvre expérimentale La dame à la strychnine (1967), en passant par ses Six chansons sur des poèmes d’Eliot (1955) ou bien à la musique pour Les Perses d’Eschyle (1965), le compositeur explore plusieurs aspects de la création musicale, notamment le mot et son rapport au son et à l’image.

Très sensible au pouvoir des mots, Christou introduit dans son lexique les « words of power » ; ce sont des mots de pouvoir qui sont utilisés de multiples manières dans la composition et qui ont un impact psychologique tout d’abord sur le musicien mais aussi – et surtout – sur l’auditeur. C’est grâce à eux que le compositeur possède – selon lui – le pouvoir d’influencer et de transformer son auditeur en l’orientant dans la direction psychologique qu’il souhaite, à l’image de la transformation que subit le spectateur à travers l’extase dans le drame grec ancien.

Pour la composition de l’oratorio scénique Mysterion (1966), Jani Christou se laisse inspirer de certains textes funéraires du XIIIe s. av. J.-C. provenant du Livre des morts des anciens Égyptiens. Ce livre, qui intègre des croyances de plus de sept mille ans, donne à ceux qui ont été initiés des directives sur la façon de se comporter au royaume des morts ainsi que des indications précises sur les rites funéraires qui devaient être accomplis pour assurer aux morts la vie éternelle.

Composée pour grand orchestre, trois chœurs, acteurs, cinq percussionnistes et bande magnétique, l’œuvre Mysterion englobe non seulement les inventions techniques du compositeur dans leur version la plus mûre, mais elle témoigne également de ses préoccupations et traduit sa conception de la musique, selon laquelle la performance musicale représente une voie vers la transformation. Vivement attiré par la conversion des énergies acoustiques en musique, Christou considère que les points intéressants dans une composition sont ceux dans lesquels ces transformations se produisent, même si les lignes de démarcation ne sont jamais fixées[1]. Il désigne cette œuvre comme

« une réactualisation sous forme de concert d’un mystère à neuf degrés inclus dans Tebot-Netoru-S, la huitième division du monde d’en bas selon le livre d’Am-Tust, à travers laquelle Afu-Ra passe pendant la huitième heure de la nuit »[2].

Dans Mysterion, des mots sont prononcés, mais leur signification n’est pas claire. Le texte ne peut pas être suivi étant donné que les mots de pouvoir constituent une sorte de glossolalie sans syntaxe ni grammaire.

« Ils expriment des formules magiques dans un langage lointain mais, psychologiquement, ils peuvent être aussi clairs que les mots de pouvoir modernes : le langage de la science et de la technologie dont on dépend étroitement »[3].

Christou précise que même si les mots étaient modernes, les déformations seraient semblables. Selon lui, il n’est pas nécessaire de comprendre les mots pour qu’ils nous affectent. Il n’est pas nécessaire, par exemple, de comprendre ce que dit une foule excitée pour que ses cris nous atteignent. « Tout est peut-être une exclamation. Dans ce cas, c’est le contexte et le ton de la voix qui comptent. Et, dans ce sens, des non-mots peuvent posséder une signification »[4].

Selon le Livre des morts des anciens Égyptiens, le monde d’en bas comprend douze divisions que le Dieu-Soleil pénètre pendant la nuit. Il éclaire son passage en adressant aux malheureux habitants du monde d’en bas des mots de pouvoir qui les régénèrent. Lorsque le dieu quitte une division pour entrer dans une autre, la porte coupe la lumière. À son départ, les âmes des défunts poussent des cris d’angoisse et plongent de nouveau dans l’obscurité. Cependant, le Dieu-Soleil poursuit son voyage et surmonte des situations complexes qui l’auraient assurément détruit s’il n’avait pas connu les mots de pouvoir appropriés.

Le cycle se répète à l’infini. Les âmes de ceux qui sont morts pendant la journée se rassemblent à l’entrée et attendent l’arrivée du bateau du soleil en espérant qu’elles vont pouvoir voyager. Mais il n’est pas du tout certain que ces âmes puissent aborder et rester sur le navire millénaire car pour ce faire, il faut se rappeler et prononcer le mot de pouvoir correct. Les mots de pouvoir sont en réalité les noms de ceux que chacun a rencontrés, et l’angoisse la plus grande du défunt est de ne pas les oublier. « J’ai fait mon chemin, je te connais, et je connais ton nom » est une idée opérante dans Mysterion.

Les mots en ancien égyptien utilisés ici en tant que mots de pouvoir sont bien indiqués au début de la partition. Il s’agit du nom de la porte qui conduit à la huitième division du monde d’en bas, le nom de la division, les noms des dieux qui sont glorifiés, les noms de « ceux qui détruisent », les noms des cercles, de leurs portes secrètes et de ceux qui en exercent le contrôle, ainsi que le nom de la porte finale derrière laquelle se trouve la « chambre de destruction ». Ce sont précisément ces mots qui accordent aux âmes des défunts le pouvoir de passer à la division suivante afin de poursuivre leur voyage.

On relève ici une correspondance entre cette œuvre de Christou et les civilisations d’Asie centrale et septentrionale sur lesquelles il s’est lui-même penché, étant très sensible aux rituels et à l’histoire de l’humain. En Asie, un mot ou un prénom révélé accorde du pouvoir à celui qui l’apprend et, inversement, le refus de révéler son nom protège celui qui le porte. Lorsque le défunt n’est plus en mesure de prononcer son prénom, c’est souvent le chaman qui est amené à remplir la fonction de psychopompe[5]. Il est invité à intervenir lorsque le mort, et plus précisément son âme, présente des difficultés à quitter le monde des vivants. Dans ce cas, il accompagne l’âme du défunt sur le chemin des enfers qu’il connaît bien pour l’avoir emprunté lui-même bien souvent. Il entonne des chants et échange avec le « valet » des paroles qui permettent de suivre son itinéraire. Lorsque le chaman et le défunt parviennent aux enfers, les morts se réunissent et demandent aux nouveaux venus leur nom. Le chaman se garde bien de révéler son véritable nom, protégeant ainsi son pouvoir, ce qui lui permet de regagner ensuite la terre[6].

Cet intérêt particulier du compositeur pour le pouvoir des mots provient bien naturellement de ses origines et de sa culture, mais il est également renforcé par une lecture. Comme on le constate en étudiant ses notes manuscrites dans ses archives à Athènes, Christou lit en octobre 1966 dans le Sunday Times un article[7] de Cyril Connolly qui porte sur l’ouvrage Psychoanalysis Observed[8] et qui fait référence aux mots de pouvoir selon Geoffrey Gorer. Plus précisément, ce qui retient l’attention du critique littéraire, c’est l’abus des mots de pouvoir, dénoncé par l’auteur, Geoffrey Gorer. Ce phénomène l’interpelle dans la mesure où il considère qu’en abusant des mots de pouvoir, les débutants en psychanalyse peuvent parvenir à minimiser le pouvoir de leurs interlocuteurs, ou à limiter l’importance des grands hommes ou des grands artistes.

D’après l’auteur de l’article qui a tant intéressé Christou, les mots de pouvoir sont des éléments importants pour plusieurs écoles de magie et d’ésotérisme, car ils permettent à l’individu qui les prononce d’exercer un contrôle sur des forces occultes. Selon certains professionnels, une partie du vocabulaire de la psychanalyse et de la psychiatrie générale a acquis quelques-unes des caractéristiques des mots de pouvoir[9]. Les psychanalystes indiquent que lorsqu’ils appliquent un terme psychanalytique ou quasi psychanalytique à un individu, « ils s’assurent son contrôle et l’amènent à une compréhension approfondie de soi, de même qu’à un sentiment de sécurité »[10]. Le mot peut donc jouer ici un double rôle en fonction de l’objectif de celui qui l’emploie.

La double fonction des mots est traitée dans l’article de Freud « Du sens opposé des mots originaires »[11] paru en 1910. S’inspirant de la lecture du travail du chercheur en linguistique Carl Abel, Freud explique que les mots peuvent être utilisés comme louanges ou blasphèmes, de même qu’ils peuvent invoquer comme exorciser[12]. Abel explique que la langue égyptienne comprend un nombre considérable de mots à deux significations dont l’une est l’exact contraire de l’autre :

 « Que l’on s’imagine, si tant est qu’on puisse imaginer un non-sens aussi patent, que le mot « stark » [fort] signifie dans la langue allemande aussi bien « stark » que « schwach » [faible] ; que le nom « Licht » [lumière] soit utilisé à Berlin pour désigner aussi bien « Licht » que « Dunkelheit » [obscurité] ; qu’un citoyen de Munich appelle la bière « Bier », tandis qu’un autre userait du même mot quand il parlerait de l’eau ; on a alors l’étonnante pratique à laquelle les anciens Égyptiens avaient coutume de se livrer ordinairement dans leur langue »[13].

Comme nous pouvons le voir dans la partition de Christou, les mêmes mots sont empruntés pour décrire des situations et des ambiances psychologiques tout à fait différentes. Au début de l’œuvre, les âmes murmurent des mots qui expriment l’angoisse éprouvée au début du voyage en les prononçant « avec passion », « avec de l’implication personnelle », ou bien au contraire « de manière impersonnelle » et « avec une passion changeante » au cours de l’interprétation. À la fin de l’œuvre, ce sont les mêmes mots qui sont prononcés par les musiciens pour exprimer le drame de l’exclusion du bateau millénaire en un murmure glacialement impersonnel, dépourvu de toute passion afin d’atteindre le silence final.

Jani Christou, Mysterion (1966), chiffre 144.

 

Analysé par des jungiens, Jani Christou entreprend la publication posthume de l’ouvrage The logos of the soul[14] écrit par son frère et mentor, l’analyste Evey Christou. L’étude de la place du logos dans ces écrits permet d’éclairer la pensée théorique et quelques-unes des influences intellectuelles du compositeur. Le rapport qu’entretient le logos avec le son et l’acte artistique est présenté à travers le concept de praxis-métapraxis. Le compositeur précise :

« Chaque art vivant génère une logique générale nourrie par un nombre d’actions caractéristiques. Lorsqu’une action est délibérément exécutée afin de correspondre à la logique générale qui est caractéristique de l’art, cette action est une praxis, ou une action délibérée et caractéristique. Mais lorsqu’une action est délibérément exécutée afin d’aller au-delà de la logique générale qui est caractéristique de l’art, cette action est une métapraxis ou une action délibérée non caractéristique »[15].

Selon ce principe, dans les arts de la performance, chaque action qui demande à son exécutant d’aller au-delà de la logique générale de la performance qu’il est en train d’accomplir exige de lui qu'il aille au-delà de la logique de ce monde d’action (world of action)[16]. Afin de mieux expliquer sa pensée sur ce sujet, Christou cite l’exemple suivant :

« Lorsqu’un chef d’orchestre dirige un concert, il s’agit d’une praxis, mais s’il est également supposé marcher, parler, crier, hurler, gesticuler, ou exécuter une autre action qui n’est pas strictement liée à la direction de son ensemble, cela pourrait être une métapraxis. Un instrumentiste qui joue de son instrument au cours d’un concert-performance réalise une praxis, mais s’il est également supposé marcher, parler, crier, hurler, gesticuler, ou exécuter une autre action qui n’est pas caractéristique de la logique générale de sa catégorie, cela pourrait être une métapraxis »[17].

Ce concept, praxis-métapraxis, associé aux mots peut être étudié de manière plus technique dans les compositions La dame à la strychnine (1967)[18] et Anaparastasis I : Le baryton « astronkatoidanykteronomigyrin » (1968)[19]. Dans la première, le mot trouve ses racines dans les rêves de Christou. Tout d’abord rêvé, puis soigneusement noté et analysé par le compositeur, il occupe une place primordiale dans la composition : il apparaît sous forme d’une annonce issue d’un rêve et associée à des hallucinations provoquées par l’utilisation de la strychnine pendant que les expérimentations musicales du compositeur cherchent à provoquer des sensations d’angoisse et de panique au public. La composition s’appuie également sur un extrait de l’ouvrage Psychologie et Alchimie de Carl Gustav Jung qui exprime l’idée de suffocation et de désintégration à travers l’histoire de Beya et Gabricus, et fait en parallèle référence aux préoccupations de l’époque en prenant une dimension sociopolitique latente.

L’œuvre s’ouvre sur une sorte de happening : un orateur se présente sur scène et annonce qu’en raison d’incidents techniques imprévus, l’exécution de la dernière œuvre du programme doit être annulée. À ce moment-là, une actrice assise dans le public l’interrompt : « je proteste ! », et provoque la réaction de l’auditoire. Ici le mot qui désigne la protestation porte un message assez suggestif si l’on considère le contexte dans lequel l’œuvre a été créée : nous sommes au début du mois d’avril 1967, la société grecque est sous tension et quelques jours plus tard, le 21 avril, se produira le coup d’État des colonels. Plus loin dans la partition, l’acteur essaie de rassurer le public en employant des mots également suggestifs frôlant le sarcasme : « il n’y a aucune raison de s’inquiéter ».

L’œuvre Anaparastasis I : Le baryton est composée à partir de la première phrase de l’Oréstie d’Eschyle. Le compositeur a transformé cette phrase en un seul mot, « astronkatoidanykteronomigyrin »[20], qui, en grec ancien, signifie « je continue à suivre les mouvements des astres pendant la nuit » et qui, ici, est prononcé par le soliste qui représente un veilleur épuisé et craintif. Tout au long de l’œuvre le chef d’orchestre dirige l’ensemble en n’employant que des mots désignant les feux de signalisation routière pendant que l’ensemble vocal prononce un texte sur des consignes de sécurité expliquant la sonnerie d’une alarme sur un bateau.

Cette pièce appartient à un groupe d’œuvres qui se relient entre elles car elles correspondent à la notion de proto-performance, à la réactualisation du proto-pattern originel ou du pattern-maître – qui correspond à l’imagerie mythique, et qui, en tant que performance-clé, redonne vie au pattern-maître lorsque son cercle est épuisé, à travers des formes de sacrifice. Le compositeur considère que le pattern devait continuer à se renouveler lui-même, si l’homme et la nature étaient supposés faire de même. Il écrit à ce propos :

« De tels rituels étaient des entreprises vitales de réaffirmation, de participation et d’identification avec le pattern-maître. À travers ces « proto-performances », l’homme déclenchait un processus de correspondance entre le sacré et lui-même, et ce, non seulement à son propre profit, mais également au profit de l’environnement dans lequel il vivait et dont il faisait partie »[21].

Au cours du rituel vocal et de la performance humaine singulière qui a lieu pendant Anaparastasis I : Le baryton, le chanteur dévoile plusieurs étapes de l’exploration du mot : tout d’abord il propose un mot complexe, puis un mot décomposé, qui est par la suite raccourci, puis complètement détruit et qui devient finalement un amalgame de gémissements et de soupirs. Plus précisément pendant qu’il prie les dieux de le délivrer de ses peines, le baryton prononce son texte en suffoquant et en faisant beaucoup d’effort, avec une voix qui s’interrompt brusquement. Plus loin, des mots du texte d’Eschyle prononcés par le chanteur, isolé du reste du groupe, contribuent à une ambiance de panique maximale tandis que l’ensemble vocal participe lui aussi à cette atmosphère de terreur en employant d’autres mots suggestifs. Le chanteur poursuit son texte toujours en état de panique jusqu’à ce qu’il reprenne solennellement le premier mot (astron). La tension diminue progressivement et l’acteur adopte une attitude glaciale avant d’atteindre l’apallaghi en prononçant ce mot en grec qui signifie la délivrance et la libération.

C’est ce mot, apallaghi, qui est peut-être l’élément central ici puisque la libération est une notion fondamentale dans l’œuvre du compositeur. Christou précise qu’il trouve un plus grand intérêt dans un art de nature libératrice que dans un art de nature seulement décorative. Une œuvre musicale qui ne parviendrait pas à provoquer une transformation ne répondrait pas à ses critères personnels :

« L’absence de forces transformatrices maintient les événements acoustiques à un seul niveau, satisfaisant seulement notre sens de la décoration. L’art qui ne s’élève pas au-delà de ce niveau peut être puissant, mais n’a plus de sens. Je crois qu’il y a un intérêt plus grand dans un art de nature libératrice que dans un art de nature décorative ; et le terme « libératrice » concerne un art qui nous libère du continuum commun espace-temps tout en visant à d’autres domaines d’expérience »[22].

Dans le cadre de cette quête de libération, Christou entreprend à travers son œuvre une recherche personnelle musicale, intellectuelle et artistique relevant de domaines multidisciplinaires. Il tente de se libérer de l’héritage musical du XXe siècle et expérimente des voies nouvelles tout en restant proche – à sa façon – de sa culture hellénique et égyptienne ainsi que de la tradition occidentale. Dans cet univers personnel, le mot est omniprésent à travers le rêve, la psychanalyse, le travail de composition ainsi que les écrits personnels. Le mot est le prétexte et le point de départ permettant une évolution sous une forme circulaire : il naît à partir du silence, il évolue, il est détruit et redonne sa place au silence afin que ce processus circulaire se répète éternellement.

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Née à Ioannina en Grèce, Varvara Gyra vit à Paris depuis 1998. Elle est docteur en Musique de l’Université de Paris VIII et sa thèse porte sur l’œuvre du compositeur grec Jani Christou (1926-1970). Diplômée de l’Ecole Normale de Paris, elle a étudié la guitare auprès de Roland Dyens et Francis Kleynjans en tant que boursière de l’Académie d’Athènes, d’IKY et de la Fondation Onassis.

RESUME

Varvara GYRA

Le pouvoir des mots à travers la performance musicale dans l’œuvre de Jani Christou.

Figure emblématique de l’avant-garde grecque, le compositeur Jani Christou (1926-1970) introduit dans son lexique les « words of power ». C’est dans des partitions particulièrement graphiques que ces mots de pouvoir trouvent leur place sous forme d’informations techniques ou de stimuli intellectuels, ainsi qu’en tant que moyens de suggestion comme on le constate à l’analyse des œuvres.

Plus précisément, pour l’oratorio scénique Mysterion, Christou se laisse inspirer de certains textes funéraires provenant du Livre des morts des anciens Égyptiens. Ici les mots de pouvoir sont des « formules magiques » que l’âme du défunt doit prononcer pour arriver au monde de l’au-delà.

L’œuvre-performance La dame à la strychnine est composée à partir d’un rêve de Christou. Le mot est ici associé à un extrait de l’ouvrage Psychologie et Alchimie de Carl Gustav Jung pendant que la référence aux préoccupations de l’époque confère à l’œuvre une dimension sociopolitique.

Dans son manifeste Un crédo sur la musique, le compositeur expose le concept de praxis-métapraxis selon lequel la métapraxis demande d’aller au-delà de la logique générale. C’est dans cette perspective que nous étudions Anaparastasis I : Le baryton « astronkatoidanykteronomigyrin », un amalgame de mots, de gémissements et de soupirs dans une ambiance initiatique qui caractérise l’œuvre de Jani Christou dans son intégralité.

[1] CHRISTOU Jani, Praxis and Metapraxis, notes intégrées à l’introduction d’Enantiodromia (1968), Londres : J. & W. Chester, 1971.

[2] CHRISTOU Jani, Notes personnelles manuscrites sur Mysterion puisées dans les archives du compositeur.

[3] CHRISTOU Jani, A music of confrontation, texte disponible dans LUCCIANO Anna-Martine, Jani Christou, The Works and Temperament of a Greek Composer, Amsterdam : Harwood Academic Press, 2000, p. 149-151.

[4] CHRISTOU Jani, op. cit.

[5] Le terme « psychopompe », littéralement « guide des âmes », provient du grec « ψυχοπομπός » et signifie « celui qui guide les âmes des morts dans le monde d’en bas ».

[6] ELIADE Mircea, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, 2e édition, Paris : Payot, 1968, p. 175-176 ; Cf. HOPPÁL Mihály, Das Buch der Schamanen, Europa und Asien, Munich : Ullstein, 2002, p. 87.

[7] CONNOLLY Cyril, Spare the rod and spoil the couch, The Sunday Times, Londres, 9 octobre 1966, p. 53.

[8] RYCROFT Charles, GORER Geoffrey, STORR Anthony, WREN-LEWIS John, LOMAS Peter, Psychoanalysis Observed, Aylesbury : Pelican Books, 1968, 160 p.

[9] STORR Anthony, The Concept of Cure, The Sunday Times, Londres, 9 octobre 1966, p. 59.

[10] GORER Geoffrey, Psychoanalysis in the world, Psychoanalysis Observed, Aylesbury : Pelican Books, 1968, p. 29 et p. 32.

[11] FREUD Sigmund, Œuvres Complètes, Volume X : 1909-1910, Paris : Presses Universitaires de France, 1993, p. 165-176.

[12] Cf. GORER Geoffrey, op. cit., p. 32.

[13] ABEL Carl, Über den Gegensinn der Urworte, Leipzig : Verlag von Wilhelm Friedrich, 1884, p. 4. Cf. : FREUD Sigmund, op. cit. p. 170.

[14] CHRISTOU Evangelos, The logos of the soul, Vienne : Dunquin Press, 1963, 104 p.

[15] CHRISTOU Jani, Praxis and Metapraxis, notes intégrées à l’introduction d’Enantiodromia (1968), Londres : J. & W. Chester, 1971.

[16] Cf. ANGERMANN Klaus, Der Anschlag auf die Logik, Jani Christou : Im Dunkel singen, Symposionberichte des Musikfestes Hamburg 1993, Hofheim : Wolke, 1994, p. 108.

[17] CHRISTOU Jani, op. cit.

[18] CHRISTOU Jani, The Strychnine Lady, Londres : J. & W. Chester, 1973.

[19] CHRISTOU Jani, Anaparastasis I : The Baritone, Londres : J. & W. Chester, 1972.

[20] En grec : αστρωνκατοιδανυκτερωνομηγυριν.

[21] CHRISTOU Jani, Proto-performance, texte disponible dans LUCCIANO Anna-Martine, op. cit. p. 146-147.

[22] CHRISTOU Jani, Ena pistevo gia ti mousiki [Un Credo sur la musique], Epoches, Athènes, février 1966, nº 34, p. 146.